On dance ce qu’on est

Propos recueil par Mariam Armisen. Photos de Latitudes Prod.

Un tête à tête passionnant avec Nadia Beugré, danseuse, chorégraphe et interprète Ivoirienne. Artiste engagée, Nadia utilise la dance pour aborder les sujets qui lui tienne à coeur, parmi eux, la marginalisation. Ceci est un extrait de notre longue conversation.

Q-zine: Parles nous de ton parcours de danseuse chorégraphe

Nadia Beugré: De 1999 à 2007, je faisais partie d’une compagnie féminine de dance, la Compagnie Tchéché, qui est la première compagnie de dance féminine Ivoirienne. J’ai rencontré Béatrice, la fondatrice, au moment où toutes les deux, nous nous questionnions sur la place de la femme dans la dance contemporaine Africaine. La réponse de Béatrice était de créer une compagnie de dance féminine et m’invita à la joindre. C’est comme ca que débuta notre collaboration qui nous amènera d’Abidjan à Dakar.

Mon premier solo important, “Espace vide” était un hommage à Béatrice. Nous travaillions à la production d’une pièce solo que je devais mettre en scène, malheureusement en 2007 Béatrice nous quitta soudainement. J’ai quitté Abidjan pour Dakar afin de suivre une formation en outillage chorégraphique à l’Ecole des Sables de Notre Mère à Tous à Toubab Diallo. Pendant cette formation, je décida de continuer le solo que j’ai intitulé, “Un Espace vide: Moi”. Ce show parlait d’une transition, de comment je m’adaptais aux réalités de la vie, comment me ressaisir du choc, de la perte d’un être cher et combler ce vide à travers la dance.

Il y a trois ans de cela que je me suis envolée pour suivre une autre formation, cette fois-ci au Centre Chorégraphique National de Montpellier. A l’époque, Il existait quand même une certaine image des danseurs Africains, et voir débarquer une Nadia Beugré (rires), j’avais l’impression que les autres artistes s’attendaient à ce que je porte des raphias ou quoi (rires)….ils ont été choqués. Depuis lors j’évolue un peu partout et cela va faire bientôt cinq ans que je me produis en solo et signe mes propres pièces.

Q-zine: Qu’est ce qui t’inspire?

NB: Ce qui me pousse à crée c’est tout ce qui est caché, tout ce qu’on ne voit pas ou choisit de ne pas voir. Je m’inspire de tout ce qui est marginalisé à commencer par moi-même. Quand je marche dans la rue, je le sens dans les regards des gens. C’est par rapport à mon propre vécu. On dance ce qu’on est.

Q-zine: Et quand tu es sur scène, qu’est-ce qui te traverse l’esprit?

NB: Les deux premières minutes, je suis dans la prière, dans la méditation, et puis ca s’ouvre. C’est bizarre, j’ai comme l’impression que je suis chargée d’aller délivrer un message, comme un griot […], je me sens habiter. C’est difficile à définir ce que je ressens, je sais seulement que je ne me pose plus de questions.

Je ne suis pas sur scène pour faire plaisir, bon d’accord, c’est dans la tête de tout artiste de plaire, mais j’essaye d’éviter ce genre de penser sinon ca pèse et tu n’es plus là pour transmettre quelque chose, mais pour plaire, faire une démonstration. Alors que pour moi la dance c’est un plaisir, c’est une thérapie. Que l’on me donne une heure ou juste quelques minutes, je suis contente. Je me dis que c’est le moment de donner, de partager, d’interpeller. Avoir cette carte est pour moi un plaisir.

Q-zine: Parlons de ta dernière pièce, “Quartier Libre”, d’où t’ais venue l’inspiration?

NB: Il y a eu beaucoup étapes en ce qui concerne la conception de Quartier Libre. Pendant ma formation à Montpellier, tous les élèves devaient créer une pièce; j’essayais de trouver de la matière, mais j’avais rien. Je ne voulais pas créer une pièce juste pour faire plaisir au prof. Puis est arrivé un prof Américain, Mark Tompkins qui devait créer une pièce inspirée d’une comédie musicale à partir des matières que les élèves allaient lui fournir. Donc chaque jour nous regardions une comédie musicale, à la Broadway. A chaque fois que j’étais devant la télé, je m’en dormais, je n’ennuyais. Puis un jour sur l’écran, la performance d’un figurant m’a capté, malgré le fait que sa scène n’a duré que quelques minutes, trois au plus. Ce qui est resté avec moi après son passage sur l’écran c’est la réalisation que les spectateurs font rarement attention aux figurants, on les prend comme faisant partie du décor. Je me suis mise à penser qu’est qu’on a l’habitude d’utiliser et jeter après son usage? J’ai donc décidé d’interpréter ce monsieur, ce figurant qui m’avait capté. J’ai commencé à réfléchir sur la forme de mon interprétation.

Comme je l’ai dit au départ, on dance ce qu’on est. Par là je veux dire que tout le monde a un bagage, on connait notre parcours, nous portons pleines de choses en nous, voilà. En plus, je me pose des questions à savoir jusqu’où peut-on être libre sans piétiner l’autre?

En bref, Quartier libre traite de la question de la liberté.