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Un entretien réalisé par Mariam Armisen. Photos de None on Record

“None on Record” (Sans Archives) est un projet de média digital qui a pour but de collecter et d’archiver les situations des LGBTI Africains. La dévise de l’organisation est: “ une histoire est le chemin le plus court entre deux peuples”. Q-Zine s’est entretenue avec la fondatrice de “None on Record”, Selly Thiam, depuis New York.

Comment a commencé votre projet “None on Record”?

En 2004 une grande figure du militantisme LGBTI de Sierra Léone, Fanny Ann Eddy était assassinée dans son bureau,, J’ai eu envie de faire un travail créatif, dans le but d’honorer sa mémoire, cela en racontant les réalités des LGBTI Africains. En 2006, je me suis rendue en voiture au Canada pour y interviewer une lesbienne Sierra Léonaise. Cet entretien fut diffusé sur une radio locale à Chicago, et par la suite j’eu envie de poursuivre ce travail. J’avais ce besoin de rencontrer davantage de personnes LGBTI Africaines, et pour ce faire je me suis mise à voyager à travers les États-Unis et le Canada pour y discuter avec d’autres exilés LGBTI, et c’est comme ça que j’ai commencer à collecter leurs histoires. Après un premier voyage en Afrique du Sud, le besoin s’est présenté de se concentrer également sur les pays africains. Je voulais m’assurer que le projet “None on Record” devienne un travail global qui recueille les histoires des LGBTI Africains à travers le monde. Depuis lors, nous avons déjà recueillis plus de 250 histoires, et notre travail d’archivage se renforce.

C’est pour moi on ne peut plus rafraîchissant de constater que l’équipe de “None on Record” est essentiellement féminine, excepté le graphiste. Est-ce que ce fut une décision délibérée?

Je ne suis pas certaine que ce fût délibéré dès le début. J’ai juste commencé à travailler avec les gens qui voulait travailler avec moi. Par la suite “None on Record” s’est transformé en un projet, ensuite en une organisation, et nous avons fait attention à ce que notre équipe soit le reflet des communautés dans lesquelles nous travaillons et pour lesquelles nous collectons des informations. Et en tant qu’une femme ayant bossé pour plusieurs media ayant très peu de femmes dans les positions de pouvoirs de décisions, et parfois très peu de personnes de couleur, je me suis engagée à transférer les connaissances qui m’ont été enseignées à d’autres femmes et personnes de couleur en général. C’est une partie de la mission de notre organisation et elle influence tous les projets que nous mettons en oeuvre.

Le mouvement démocratique médiatique est principalement Blanc et dominé par les hommes. Quelles ont été les réactions jusque-là quand les membres de l’équipe “None on Record” entre dans une salle pour en parler ?

Tout dépend de la salle dans laquelle nous entrons. Quand nous interviewons les LGBTI africains, l’accueil est souvent chaleureux. Les gens sont impatients de participer. La plupart des réactions de refoulement que nous avons eu proviennent de certains journalistes ou producteurs qui pensent que notre travail n’a pour seul but que le plaidoyer. Or le mot plaidoyer est devenu un mot sale dans le journalisme. Il est souvent avancé que les plaidoyers ont un but tandis que les journalistes ne devraient pas en avoir. Mais quand vous venez d’une communauté où vous n’avez jamais été en mesure de raconter votre version des faits ou votre histoire tout court, une communauté où très peu d’entre nous ont accès à la parole publique, il nous ait difficile d’accepter que la presse puisse être objective. Il est facile de pointer du doigt et de porter un jugement de valeur discréditant un travail ne rentrant pas dans les canevas narratifs de ce qui est considéré “acceptable“. Mais si nous nous étions préoccupés par cette logique, nous n’aurions jamais été en mesure d’arriver aussi loin.

Le mouvement démocratique médiatique est principalement Blanc et dominé par les hommes. Quelles ont été les réactions jusque-là quand les membres de l’équipe “None on Record” entre dans une salle pour en parler ?

Tout dépend de la salle dans laquelle nous entrons. Quand nous interviewons les LGBTI africains, l’accueil est souvent chaleureux. Les gens sont impatients de participer. La plupart des réactions de refoulement que nous avons eu proviennent de certains journalistes ou producteurs qui pensent que notre travail n’a pour seul but que le plaidoyer. Or le mot plaidoyer est devenu un mot sale dans le journalisme. Il est souvent avancé que les plaidoyers ont un but tandis que les journalistes ne devraient pas en avoir. Mais quand vous venez d’une communauté où vous n’avez jamais été en mesure de raconter votre version des faits ou votre histoire tout court, une communauté où très peu d’entre nous ont accès à la parole publique, il nous ait difficile d’accepter que la presse puisse être objective. Il est facile de pointer du doigt et de porter un jugement de valeur discréditant un travail ne rentrant pas dans les canevas narratifs de ce qui est considéré “acceptable“. Mais si nous nous étions préoccupés par cette logique, nous n’aurions jamais été en mesure d’arriver aussi loin.

Le média digital n’est pas encore un outil utilisé par les mouvements LGBTI en Afrique. Comment faites-vous pour dépasser le scepticisme des un(es) et des autres?

Je n’ai pas l’impression que nous ayions rencontré du scepticisme. C’est juste que très souvent les gens ne voient pas directement comment le média digital peut être un instrument puissant au sein du mouvement LGBTI pour le changement social. Le média digital a tout à voir avec la dissémination de l’information, et la manière dont “None on Record” partage l’information se fait à travers les histoires personnelles. Nous pensons qu’une histoire de vie peut transformer les perspectives des gens, et ce faisant, leur vie. Quand nous montrons aux gens ce que nous faisons exactement et pourquoi nous le faisons, il devient plus aisé pour eux de voir comment le média digital peut être utilisé dans leurs mouvements. Les gens captent très vite les bonnes idées.

Comment est-ce que vous naviguez entre le besoin de préserver l’anonymat et ce besoin de créer une mémoire visuelle des LGBTI Africains?

 Nous nous sommes posés cette question plus d’une fois. Quand nous avons commencé ce projet, nous avons mis en place un processus où les gens pouvaient décider comment ils aimeraient participer à ce projet. Si quelqu’un voulait partager son histoire, alors il peut donc décider de la nature de sa contribution – soit avec leurs noms et photographies en ligne, à la radio ou à la télévision, soit il peut partager son histoire de manière anonyme et elle serait incluse dans les archives. Nous offrions plusieurs moyens pour que les gens puissant s’impliquer tout tant prenant en compte les réalités de nos contextes.

Mais depuis que la communication moderne a bien changé au cours des années et que la lutte pour l’égalité des LGBTI se fait de plus en plus visible sur le continent, de nos jours, les gens parlent de manière ouverte et attachent leurs noms et figures à leurs expériences et parcours de vie. Nous avons aussi changé la façon dont “None on Record” diffuse son travail. Nous avons commencé avec l’audio à travers la radio, progressé vers la photographie avec son et maintenant nous avons ajouté des portraits vidéo. Au début, grand nombre de personnes n’était pas à l’aise avec le fait que leurs photos allaient être associées à leurs histoires, mais de nos jours ceci ne pose plus de problème. Cela ne veut pas pour autant dire que le même degré de risqué a disparu. En fait les risques sont proportionnels au degré de visibilité. Mais les gens de nos jours choisissent de parler plus ouvertement, et le font de plus en plus en utilisant les plateformes digitales.

Parlez-nous du projet qui vous aura le plus marqué, et qu’est-ce qui a fait de celui-ci qun projet spécial? 

Difficile à dire, parce que je les aime tous. J’aime le processus de création et les gens que nous rencontrons. C’est l’une des plus belles expériences que vous puissiez imaginer. Une expérience des plus humaines. Ce qui fait que quand je dis que j’ai pris du plaisir dans tous ces projets, et peut-être pour différentes raisons, je ne fais qu’être honnête.

Comment choisissez-vous un projet?

Très souvent c’est le projet qui nous choisi. Par exemple, en ce qui concerne l’un de nos plus récents projets, A la rechercher demandeurs d’Asile, nous invitions en Espagne pour faire une présentation dans un musée. Nous n’avions jamais travaillé en Europe auparavant, ce qui fait que j’ai voulu prendre avantage de notre invitation pour explorer l’éventualité d’un projet Européen. La communauté LGBTI africaine est très vibrante en Europe.

 

Pendant que nous préparions le voyage pour l’Espagne, un projet de recherche, sur le thème du traitement des demandeurs d’asile LGBTI en Europe, fut lancé. Cela nous a amené à focaliser notre attention sur la collecte des histoires des demandeurs d’asile et des defis auxquels ils font face. Nous avons décidé de faire notre première production au Royaune Uni et avons produit une série de quatre épisodes sur les demandeurs d’asile venant d’Ouganda, du Nigeria et du Zimbabwe.

Un autre projet plus récent était un documentaire que nous avons tourné en Afrique de l’Est. Nous sommes parvenus à faire le tour de tous les quatre pays de l’Afrique de l’Est, faisant des interviews avec les militant (es) LGBTI.

Tous ces deux projets furent des expériences intéressantes pour notre équipe de production. Maintenant nous travaillons sur une nouvelle série qui sera sur les histoires que nous avons recueillis au cours de ces deux derniers tournages.

Comment se déroule le processus de production d’une interview? Combien cela demande-t-il de semaines ou de mois pour que le produit final soit diffusé? Combien de personnes sont impliquées? 

Cela dépend du format du média. Produire par exemple des projets audio et photos peut avoir un temps d’exécution très rapide, en fonction du type de documentaire que nous sommes entrain de réaliser. Les vidéos ont tendance à prendre un peu plus de temps. Mais généralement, quelqu’un dans l’équipe va faire le montage d’une histoire, et si tout le monde aime le produit final, pense que c est une idée solide qui s’insère dans nos critères, nous décidons quel sera le meilleur format de média pour diffuser l’histoire.Les équipes peuvent être très petite, composées par exemple d’une qui fait l’interview, l’édition et la publication, ou alors une équipe bien plus large; elles seront composées de six personnes avec des producteurs assistants, des directeurs, des vidéographes et des éditeurs. Les projets peuvent aller de quelques semaines à une année.

NOR vient d’ouvrir récemment son premier bureau sur le continent, au Kenya. Parlez-nous en un peu plus. Pourquoi le Kenya?

Nous avions toujours voulu avoir une base en Afrique. La plupart du temps nous travaillons en depuis New-York, mais avec les productrices qui travaillent et vivent en Afrique du Sud, au Sénégal et au Kenya. Après un des mes voyages au Kenya pour faire une formation en audio-digitale avec les militants LGBTI de la Gay and Lesbian Coalition of Kenya (GALCK), plusieurs participants ont manifesté le désir de continuer cette expérience. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à penser à transférer ce projet de manière permanente au Kenya, et y faire participer les militants du terrain à la création du bureau locale. Maintenant l’équipe de “None on Record” peut travailler avec les communautés LGBTI africaines à travers toute la région depuis Nairobi

Comment se présente 2013?

 Nous grandissons. Nous espérons travailler avec plus de groupes LGBTI en Afrique, et développer les aptitudes du staff dans les organisations LGBTI. Et nous sommes sur le point de commencer une production qui va raconter les histoires des LGBTI d’Afrique de manière innovante et passionnante. J’espère pouvoir revenir et vous en dire plus sur ce projet au fur et à mesure qu’il avancera.