À Propos du Bonheur

Par Singano Uachave
Photo d’Ian Gichohi

Si vous m’interrogez sur le bonheur

Je vous dirai que j’ai vécu au bord de la mer

Et ai péri trois fois

Avant de donner un corps à son parfum

Connaissais-je alors le sens de l’abondance

Pouvoir plonger dans l’eau pour éclabousser mes proches

Et me réjouir que ceci ne s’arrête jamais 

Et entendre ma famille m’avertir que si vaste, si avide qu’elle soit

La mer finirait par m’emporter si je ne faisais pas attention

J’avoue ne jamais y avoir cru

J’ai connu la cupidité parce que je suis déjà mortE trois fois

A l’aube, au clair de lune et à midi

Le seul péché des eaux a été de trop se donner

Si vous m’interrogez sur le bonheur, je vous parlerais de ce péché

Et je vous parlerai

De cette mère qui chante une berceuse

Sans radio ni village pour partager

Les sons, les mots, la tendresse

Choses qu’elle oublie lentement

Alors elle fredonne

Me promettant à moi et à elle-même

Un bonheur à venir

Et des chansons je me souviendrai

Le lent troupeau d’éléphants qui transportaient les camarades d’école

Et moi poursuivant leur rythme miséricordieux

Et un transfert Bluetooth se transforme en trois

Et de ces 200 mégaoctets de mémoire

Trois chansons partagées par moi

Mais ce n’est pas tout

Le troupeau avait ralenti 

Même avec l’abondance des lendemains à l’époque

Il avait suffisamment ralenti pour faire ses adieux

Et de la mer aussi je vous dirai

Que je n’ai jamais rêvé d’un bonheur tel que

Celui que je ressens aujourd’hui

Et ceci avait débuté avec unE camarade qui m’avait parlé

De comment nos corps supportent la douleur

Comment les tripes, les sourcils, le cœur, se déforment

Mais alors

L’amour aussi est conservé dans nos os lorsque l’on en prend soin

Ô quel bonheur de ne faire qu’unE avec une créature si belle

Qui vibre d’impatience d’aller à la place qui lui revient

Un baiser, une étreinte, les bras de sa créatrice

Alors je vous dirai

Que le foyer n’est pas un lieu mais un moment

Et les eaux que je revendique

N’existent que demain lorsque je les verrai à nouveau 

Et si vous m’interrogez sur le bonheur?

Comme mes poèmes préférés, je vous dirai

Mes enfants ont une famille qui s’étend dans le monde entier

Je suis riche en berceuses et je me souviens de leurs paroles

Nous chantons ensemble

Je connais la cupidité et pourtant j’ai rencontré une abondance sans limite.

J’ai beaucoup à donner

Et nous partageons nos péchés

Tant d’espace m’a été offert que je ne le compte plus en chansons

Et entre les baisers, les câlins, et mes bras

Je vous parlerai de bonheur

Non pas en tant que promesse, mais en tant que femme qui le prodigue.