Des enfants naissent de ces guerres

De Tai Rockett. Photo de endotica.org

Ils arrivent yeux écarquillés, ensanglantés et assoiffés.

Migration.

Je suis à bout de souffle, suivant péniblement. Son esprit sprinte et monte en flèche. Ce dont je me rappelle de l’enfance : des jambes, entre des jambes, et la différence entre courir et s’enfuir, entre se cacher et disparaître.

Regardez son corps dans cette pièce. Voyez comment il est difficile de l’apaiser. Elle est en morceaux. Même en étant assise droite, le professeur suggérant qu’elle raccommode et se
focalise sur les endroits où la colle ne rattachait plus une telle bordure à une autre. Même en étant assise immobile, il y a du travail à faire. Assise et immobile,
elle réapplique de la colle Elmer.

Comme ils sont fascinants ces jeux que les adultes n’ont jamais eu le temps de nous apprendre. Ces jeux qui ne sont pas vraiment des jeux, mais plutôt, un espace vide entre supervision et
négligence, entre instructions incohérentes et curiosité effrénée.

La colle a séché et elle est douce avec elle-même. Avec un ongle, elle dégage la plaque de colle ronde accrochée à un bout de doigt. Combien d’empreintes digitales pouvait-elle prélever avant que le professeur ne s’en aperçoive ? Et pourquoi n’y-avait- il pas plus d’occasions de recueillir ces morceaux d’elle-même ?

Je ne peux plus m’enfuir vers moi-même ou de ce que je suis destinée à être. Je ne peux plus m’enfuir d’un être et, en même temps, être cet être, sans cette fuite qui s’opère. Parce qu’entre elle, la fugitive, et moi, il y a enfin harmonie.