Depuis Paris, Portrait d’un jeune photographe Congolais

Entretien de Charles Gueboguo. Photo par Nicola Lo Calzo

Extrait d’un entretien avec Régis Samba-Kounzi, assistant de photographe, photographe amateur, ancien salarié et militant de l’association Act-Up Paris.

Bonjour Régis, peux-tu te présenter à nos lectrices/ lecteurs ?

Congolais d’origine, je vie à Paris mais reste très attaché au continent politiquement et culturellement. J’ai été salarié et militant d’Act-Up Paris, une association, crée en 1989, issue de la communauté homosexuelle, qui veille à défendre équitablement toutes les populations touchées par le sida. Je travaille actuellement en tant que collaborateur du photographe Nicola Lo Calzo, dont le travail s’inscrit dans une démarche documentaire à la frontière entre journalisme et photographie d’art, avec une attention accordée aux minorités et aux droits humains.

Peux-tu nous parler de ton travail auprès de ce photographe? En quoi consiste-t-il ?

Je dois d’abord dire que j’ai beaucoup de chance de travailler auprès d’un artiste engagé avec qui je partage des valeurs communes, de justice, de solidarité et de tolérance. Par ailleurs, il s’agit d’un travail collectif, Nicola étant entouré et travaillant en partenariat avec de nombreuses personnes ou structures. Je citerai à titre d’exemple l’UNESCO ou Afrique in visu, plateforme participative d’échanges autour du métier de photographes en Afrique. En ce qui concerne mon rôle spécifiquement, je suis polyvalent, j’ai un rôle de conseiller, je suis également impliqué à tous les niveaux décisionnels -mais c’est lui qui a le dernier mot. Je participe au réseautage et je m’occupe de différentes questions logistiques. Participe à la rédaction et à la relecture des textes, m’occupe des relations presses, et de la recherche de financement ou de partenariat.

Pourquoi la photographie? Qu’est ce qui attire votre attention/intérêt ? Depuis quand ? Quels sont vos futures plans dans cette direction?

La citation suivante de GERNSHEIM Helmut reflète parfaitement ma pensée : « La photographie est le seul « langage » qui soit compris dans toutes les parties du monde et rassemblant les nations et les cultures, elle unit la famille humaine. Indépendante par rapport aux influences politiques, là où les gens sont libres, elle reflète fidèlement la vie et les événements, nous permet de partager les espoirs et le désespoir des autres, et éclaire les conditions de la vie politique et sociale. Nous devenons les témoins de l’humanité et de l’inhumanité de la race humaine. » J’aime son caractère multidisciplinaire qui peut être au carrefour du journalisme, du documentaire et de l’art, aussi ludique que didactique. J’apprécie particulièrement lorsque l’objectif est de transmettre l’information, sensibiliser… Donner matière à réflexion.

En tant que passionné de photographie depuis l’âge de 20 ans. Aujourd’hui je ressens le besoin de m’investir plus dans ce domaine, d’une part parce que j’évolue dans ce milieu et d’autre part parce que je peux désormais y consacrer le temps et l’énergie nécessaire. Actuellement, c’est le thème de l’homoparentalité qui m’intéresse, je ne me mets aucune pression, les choses se font à mon rythme.

Ce faisant, peux-tu préciser ta vision du monde, existe-t-il une philosophie qui soutiendrait ton travail?

L’engagement et l’éthique sont au centre de mes intérêts, j’utilise tous les moyens pour défendre les causes qui me tienne à cœur. J’ai une vision du monde basée sur la solidarité et la tolérance et le meilleur moyen pour moi de m’épanouir, me sentir utile est d’être impliqué dans des projets en faveur de la défense des différents droits que j’estime fondamentaux et irréductibles quelle que soit la culture à la quelle on appartient ou dont on se revendique. Ces valeurs comprennent l’accès à la santé, l’égalité des droits par rapport au genre ou à la sexualité, et la lutte contre le racisme. [Le travail que je soutien reflète les principes et valeurs de résistance et d’éthique auquel je crois. Maintenant, tous les projets menés dans le cadre de mon travail ne sont pas toujours politiques, il y a aussi une démarche artistique.

Si je te disais photo, LGBTI Afro et activisme ?

Je te réponds Zanelé Muholi, photographe Sud Africaine qui travaille sur la violence et les discriminations que subissent les lesbiennes de son pays. Je pense aussi au travail du photographe italien Luca Locatelli sur l’activiste Dennis Wamala et les gay en Ouganda. http://lucalocatelli.photoshelter.com/gallery/Homosexual-activist-in-Uganda/G0000vzNPTQ6OO0c/

Je pense enfin au projet “Not Only Black” de Nicola que je coordonne. Ce projet photographique souhaite questionner le vécu de la diaspora gay afro-cari­béenne à Paris, en Île de France et dans certains pays ou Îles d’origine.

Tu as donc compris que je voulais en venir à la question de l’impact de ton travail auprès des jeunes LGBTI: peut-on la poser en ces termes?

Oui, le but est que la vie des gens s’améliore ou en tout cas que leur situation soit moins ignorée. J’espère que mon travail actuel ou passé a eu un impact sur les jeunes LGBTI. J’ai mit mon énergie à refuser toutes les discriminations, et à soutenir un principe simple, celui de faire en sorte que la loi soit implacable et défendre les droits humains.

Le travail mener dans le cadre d’Act Up à savoir l’accès aux droits et aux séjour en France, l’accès aux médicaments génériques dans les pays en développement, la lutte contre l’homophobie s’adresse à tous et principalement aux responsables publics occidentaux ou africains afin de protéger les droits fondamentaux de tous les citoyens et en particulier les minorités, dont les LGBTI qui sont le plus souvent en première ligne.

Que dirais-tu à tous ces jeunes LGBTI Afro qui aimeraient suivre ta voie, mais qui sont convaincus que leur orientation sexuelle est un obstacle?

En fait, le message serait de dire qu’il faut se battre contre l’injustice qui laisse croire que l’orientation sexuelle est un obstacle pour quoi que ce soit, et ce message s’adresse et concerne tous les gay, quelque soit leur origine, la couleur de leur peau ou leur statut social. Il est parfaitement humain d’aspirer à vivre tranquillement sa vie et à vouloir être respecté. Ce n’est pas l’orientation sexuelle qui est un obstacle pour faire de la photo ou militer, c’est la peur du jugement des autres qui est paralysant. Face à cette pression considérable, les LGBTI n’ont pas seulement peur de se mettre à dos la famille, les proches etc., c’est aussi la crainte des violence voir de la mort parfois dont il peut s’agir. Malgré tout, l’estime de soi doit se cultiver dans cette société hétéro normée, nous n’avons pas de choix, il faut rentrer en résistance et s’affirmer. Je me suis toujours forcé à vivre comme je l’entendais, à partir du moment ou ça n’empiétait pas sur la liberté et les droits des autres. Beaucoup de chemin reste à faire, tout commence par le fait de sortir de son isolement coûte que coûte.

Noir et LGBTI à Paris: Combien de possibilité?

Au cœur de plusieurs mobilisations culturelles, sociales, et politiques, Paris est souvent considérée comme un lieu emblématique de la « subculture gay » en Europe. Pour beaucoup de LGBTI, Paris figure un lieu privilégié pour vivre sa vie. Souvent marginalisées et stigmatisées, ils retrouvent dans la capitale une certaine liberté. Les lieux de convivialité existent, internet permet de faciliter les rencontres, de nombreuses associations sont présentes. Cela dit, il reste toujours difficile de pouvoir librement parler de son orientation sexuelle. C’est aussi une capitale éminemment multi-culturelle. L’une des plus métissées d’Europe. La France en générale reste un carrefour des cultures. Et ça aussi c’est très important. Je crois que c’est Saul Williams, musicien New Yorkais notamment, qui disait être venu s’installé à Paris pour cette raison. J’ai l’impression que la communauté LGBTI par rapport à il y a encore une dizaine d’années commence à refléter beaucoup plus ce métissage notamment ; à ce titre des association comme Tjenbé Rèd jour un rôle majeur. Il faut maintenant que le gouvernement établisse des passerelles fortes avec ces groupes. Malheureusement Paris a été aussi la capitale européenne du sida. Il ne faut pas oublié cela. Les associations et nous-mêmes individuellement, en tant que « grand frères et grandes sœurs » devront jouer ce rôle de vigilance vis-à-vis des jeunes LGBTI qui arrivent et peuvent parfois être un peu étourdies par le sentiment de force et de liberté qu’on ressent parfois au sein de la communauté.

Une piste à explorer dont tu aurais aimé parler?

Peut être un points concernant l’homoparentalité et le mariage gay : En tant que papa d’un petit garçon, et en couple, je constate amèrement le retard de la France sur ces avancée des droits citoyens élémentaires pour les personnes homosexuelles. Même si, le nouveau chef d’état, envisage la reconnaissance des familles homoparentales, nous sommes encore loin du compte des exigences nécessaires.