Dire l’homosexualité en Afrique francophone.

By Charles Gueboguo. Photo by Soultga and Alaasafei

La parole est le spécifiant de l’humain. Quand il parle, il met du sens partout. Comment dit-on sommairement et localement « homosexuel » dans un espace où l’homosexualité la plupart du temps est peu comprise et peu acceptée ? Le choix de cette lecture est porté sur les pays que j’ai eu à visiter. Il s’agit : du Burkina Faso, du Cameroun, de la Côte d’Ivoire et du Sénégal.

J’apprends donc qu’au Faso, en langue Moré et Mossi, ‘homosexuel’ et partant ‘l’homosexualité’ se dit « pouglindaogo ». Littéralement : homme et femme en même temps. Il y a là une référence à l’hermaphrodisme. Par extension « pouglindaogo » désigne l’homme efféminé. Socialement on croira qu’il a deux sexes biologiques. Cette appellation semble être une forme de thérapie explicative pour cerner ce qui apparaît comme étrange/étranger. `Les personnes qui jouent à la fois le rôle insertif et réceptif sont appelées : « recto-verso ». La relation dans les représentations des individus qui associe homosexualité avec efféminement est claire ici. Je n’ai pas souvenance d’un terme pour désigner les femmes qui aiment les femmes. Dans l’imaginaire de plusieurs, l’homosexualité ne peut qu’être masculine. Elle est ainsi rejetée parce qu’elle trouble les barrières du genre. D’où cette insistance dans les imageries populaires à réduire la réalité homosexuelle à l’aspect physique nécessairement efféminé.

Au Cameroun dans les milieux homosexuels, l’homosexualité masculine est traduite par le terme « nkouandengué ». Il s’agit d’un néologisme dont l’existence principale n’a d’autre but que le camouflage langagier aux autres. L’homosexualité féminine est traduite par le mot « mvoye » et signifie en langue Ewondo, une des langues locales « bien ». « Mvoye » est donc la traduction de ce qui est bien et par extension, les lesbiennes voudraient signifier à leurs détracteurs qu’elles s’inscrivent dans une orientation sexuelle qui ne peut être rien d’autre que quelque chose qui relève de ce qui est merveilleux voire paradisiaque. Le partenaire masculin insertif est dit « koudjeu ! » C’est une onomatopée qui est l’expression de la virilité. En français elle se traduirait par « ho-hisse ! ». C’est le cri que les hommes poussent lorsqu’ils veulent faire déplacer de lourdes charges. Le « koudjeu » est donc cet individu qui serait en mesure, sexuellement parlant, de dégager une telle force, une telle énergie pour pousser le partenaire réceptif encore dit « tchouss » dans ses retranchements jouissifs. Les partenaires capables de jouer les deux rôles dans l’acte sexuel sont dits « recto-verso » ou encore « jupe-culotte ». Le modèle dominant dans la construction identitaire sexuelle semble tirer sa source de l’univers dominant hétérosexuel.

Le système langagier des jeunes homosexuels en Côte d’ivoire s’inspire d’une parlure qu’ils appellent le « nouchi » : allègre mélange du français petit nègre aux langues locales. L’homosexualité se dit aussi ici à travers le clivage passif/actif, qui reste centré sur un modèle hétéronormé. Le partenaire insertif ou actif est dit « yossi » tandis que le partenaire réceptif ou passif est dit « woubi ». Ces deux expressions sont des déformations des termes sénégalais Wolof « yoss » et « oubi » qui traduisent la même chose dans le milieu homosexuel sénégalais. Le sujet capable de jouer les deux rôles dans l’acte sexuel est dit « cassette ». Le rapport ici avec le signifiant est voulu, car comme l’objet à l’origine qui peut jouer des deux faces, les personnes à la fois actives et passives jouent également le même rôle. Une « cassette » n’est pas un bisexuel. Dans le milieu les personnes bisexuelles sont dites « yossi famo » ; un ‘gay friendly’ est appelé « famo ». Les lesbiennes sont désignées par le terme « toussou bakary ». « Toussou » en l’une des langues locales désigne la fille. Les personnes travesties sont dites : « femmes actuelles.

 

Le partenaire actif est dit au Sénégal « yoss ». Le partenaire réceptif est un « oubi », en Wolof cela veut dire « ouvert ». Il serait donc ‘ouvert’ comme le serait les lèvres vaginales et par extension comme le serait une femme. Cette association au genre féminin s’inspire de l’environnement social ambiant qui synthétise homosexualité avec féminité. C’est la traduction de « gor-jigeen » qui signifie littéralement ‘homme-femme’ et qui s’apparente à une insulte. L’homosexuel ne serait donc pas une entité à part entière mais une chose bizarre entre les deux, une identité sociale de femme dans un corps d’homme. Il y a aussi un rapport lié à la classe d’âge dans la désignation des personnes homosexuelles, avec la pression des plus âgés fortunés sur les moins nantis et jeunes. Ils sont désignés par le terme « maamaré ». Les plus jeunes qui n’ont pas souvent d’argent sont nommés « mbéré » et on attend socialement d’eux, dans le milieu, qu’ils jouent le rôle passif.

Les catégories identifiées qui se disent ou disent l’autre ont chacune leur manière de dire l’homosexualité. Pour les unes ce sera sur le mode du stigmate. L’homosexualité va désigner l’homme-femme ou l’intersexe : nécessairement péjoratifs dans les représentions sociales. Pour les autres, ce sera sur le mode d’un besoin de revalorisation. L’identification aux femmes, les vraies, tandis que les autres objets biologiques féminins ne seraient que des impostures. Assumer sa féminité devient une prise de position de force et de domination. C’est donc une domination masculine double qui investit et colonise le champ jadis réservé et exclusif à la gente féminine pour se le réapproprier. La masculinité, lorsqu’elle est dite dans tous ces milieux renvoie aussi à un rapport de supériorité et partant, de domination symbolique. Le modèle hétérosexuel de l’homme sur la femme est repris et assumé. Le partenaire insertif ne peut être que le « koudjeu », le « yossi », ou le « yoss » viril capable de prouesses sexuelles herculéennes. Parce qu’ils sont les pénétrants, au Sénégal les « yoss » se considèrent rarement comme des homosexuels. Ils ont aussi très souvent des rapports sexuels avec les partenaires de l’autre sexe. Et la désignation « goor jigeen » ne s’adresse que très peu à eux. Ici, la masculinité est synonyme de souffle et de puissance, symbolisés par le sperme vitalisant.

Le contenu langagier s’organise les différents modes qui s’articulent autour de la fonction expressive, portant nécessairement la griffe de la subjectivité de ses auteurs ; la fonction référentielle : l’homosexualité dans les discours apparaît comme quelque chose de bizarre pour certains. En effet face à la norme dominante elle ne peut que s’inscrire sur le registre de l’étrange-étranger ; pour d’autres elle sera désignée sur le modèle de la revalorisation, le sujet décidant de façon concrète d’être acteur de sa propre liberté. La fonction métalinguistique : Les interlocuteurs s’assurent qu’ils font appel aux mêmes codes, au même lexique ou encore à la même syntaxe : « kouandengué » ; « toussou bakary » ; « Yossi » ; « goor jigeen »… C’est l’exigence d’empathie, c’est-à-dire la connivence entre l’émetteur et le récepteur reposant en grande partie sur la mobilisation de tous les imaginaires collectifs en vigueur au sein du groupe.

Toutefois, parce que les catégories qui parlent s’adressent les unes aux autres, ces désignations sont communicantes en ceci qu’elles font appel à des rétroactions. Elles servent donc de liant social. Ce qui peut apparaître comme des conflits sur la base langagière forment le lit de la dynamique sociale et de l’unité de la sociation, c’est-à-dire la société entendue comme un processus et non une construction toute faite. Les effets de ces désignations, à la fois dans le milieu ou en dehors du milieu homosexuel sont les mêmes. Les uns comme les autres essaient d’inciter aux changements des modes de pensées et de perceptions. Les désignations disent également le vécu sociosexuel réel plus ou moins sublimé, le but étant pour les homosexuels, par exemple, de faire exister une catégorie longtemps invisibilisée : à travers le produit d’un incessant bricolage pour s’arrimer ou déjouer la normativité. Dire ici, c’est donc faire exister. Tout comme nommer ou dénoncer tout simplement, c’est faire émerger le réel. On ne dénonce que ce qui est, on ne dit que ce qu’on veut rationaliser.

Naming Homosexuality in Francophone Africa

By Charles Gueboguo. Photo by Soultga and Alaasafei

Words are the opium of humanity. When they speak, they make sense everywhere. How do you say, briefly and locally “homosexual” in a place where homosexuality is most often little understood and not accepted? The focus of this paper is to explore this question in the Francophone African countries I visited. There were: Burkina Faso, Cameroon, Ivory Coast and Senegal.

During my stay in Burkina Faso, I learn that in one of the main local languages, Moré, ‘homosexual’ and therefore ‘homosexuality’ is called “pouglindaogo”. Literally: man and woman together. There is a reference to hermaphrodites.

By extension “pouglindaogo” means the effeminate man. Socially, we believe that it has two biological sexes. This name seems to be a form of therapeutically explanation of what appears to be strange /foreign. “Others” are the ones who will label gay people with such word and the latter take it as an insult. In Dioula, another local language, to talk about homosexuals in a negative term, people say “Tchiété Moussoté.” But I also noted that young people use the French words to indicate homosexual behavior. In the gay community, men who play both the insertive and receptive role are called “double sided”. The relationship in representations of individuals that associates homosexuality with effeminacy is clear here. I do not remember a term for women who have sex with other women. In the imagination of many, homosexuality can only be male. It is thus rejected because it disturbs the barriers of genre. Hence, the emphasis in popular culture to reduce the reality of homosexuality to the physical aspect of the practice, and to effeminate it.

In the gay community in Cameroon, male homosexuality is translated as “nkouandengué.” This is a new word whose main existence has no other purpose than to camouflage the practice from people outside of the community. The male partner who plays the dominant role during sexual intercourse is called “koudjeu!” This is onomatopoeia, which is the expression of manhood. In French, it would mean “ho-hisse!”. It is the cry that men make when they are lifting heavy loads. The “koudjeu” is this individual who would be able, sexually speaking, to generate such a force, so much energy to bring the receptive partner into experiencing explosive orgasms. Partners who can play both roles in the sexual act are “both sides” or “skirt”. The dominant model in this sexual identity construction seems to derive its source from the dominant male in heterosexual world. Female homosexuality is translated by the word “mvoye”, in Ewondo language and means “good”. “Mvoye” is the translation of what is right and by extension, lesbians would mean to their detractors that they are part of a sexual orientation that can not be anything other than something that is wonderful, even paradise.

The language system of young gay men in Côte d’Ivoire is based on slang they call “nouchi” lively mixture of French and Negro local languages. Homosexuality is also told here through the split passive / active, which is derived from a heteronormative model. The insertive or active partner is “yossi” while the receptive or passive partner is “woubi.” These two expressions are deformations of Senegalese Wolof words “Yossi” and “Oubi” which reflect the same in the homosexual community in Senegal. The partner who can play both roles in the sexual act is called “cassette”. This designation is intentional, because as the object itself, this partner can play both sides, meaning being both the active and passive sexual partner. A “cassette” is not a bisexual. In the middle are bisexual say “yossi famo” a gayfriendly person is called “famo.” Lesbians are referred to as “toussou Bakary.” “Toussou” in the local language means a girl. The transvestites are called “contemporary women.”

The active partner is called in Senegal “Yossi”. The receptive partner is a “Oubi” in Wolof means “open.” It would therefore be “open” as would be the labia and by extension, as would a woman. This association is based in a feminine form of the social environment surrounding homosexuality, which synthesizes femininity. This is the translation of “gor-jigeen” which literally means “male/female” and akin to an insult. The homosexual would not be a separate entity but an odd thing in between, a social identity as a woman in a man’s body. There is also a link associate with age in the connotation of homosexuals, expressing the pressure of the older, more affluent partner over the less affluent and young partner. They are referred to as “maamar.” Most young people who often do not have money are called “Mbéré” and socially expected of them to play the passive role.

The categories identified here, how they identify themselves or how others identify them, have their way of saying homosexuality. For some, this will be the mode of stigma. Homosexuality will designate the male-female or intersex: necessarily pejorative in social representations. For others, it will be the mode of a need for revaluation. Identifying oneself as female, the real, while the biological organes would only be impostures. Claiming one’s femininity becomes a position of power and domination. It is therefore a double male domination that invests and colonizes the arena once reserved and exclusive to the female in order to reclaim it. Masculinity, when called in all these environments also refers to a relationship of superiority and hence of symbolic domination. The model of the heterosexual men over women is taken and assumed.  The insertive partner can only be that the “koudjeu”, the “yossi”, or “Yossi”, the manly partner capable of Herculean sexual prowess. Because they are the dominant partners, in Senegal “Yossi” rarely consider themselves as gay. They also often have sex with partners of the opposite sex. And the designation “goor jigeen” is rarely addressed to them. Here, masculinity is synonymous with breath and power, symbolized by the vitalizing sperm.

The linguistic content is organized in modes that revolve around the expressive function, necessarily carrying the brand of the subjectivity of its authors, the referential function: homosexuality in these discourse appear as something strange for some. Indeed within the dominant culture, it can only express, in the register of popular culture as strange, foreign. For others it will be designated on the model of revaluation, the subject of a concrete decision to be an actor of one’s own freedom. The meta-linguistic function: The interlocutors make sure they use the same codes, the same vocabulary or the same syntax: “Kouandengué”, “toussou Bakary”, “Yossi” “goor jigeen” … It is the demand of empathy, that is to say the complicity between the transmitter and receiver based largely on the involvement of all collective imagination in force within the group.

However, because the categories are intended to speak to each other, these designations are interconnected in that they rely on feedback. They are thus linking social. What may appear as conflicts based on language form the basic of a social dynamic and the unity of sociation, that is to say society understood as a process, not a ready-made building. The effects of these designations, both within and outside the homosexual community are the same. Some like the others try to encourage changes in thought patterns and perceptions. The designations also say the real socio-sexual lived more or less sublimated in order for homosexuals, for example, to bring to existence a long invisible category: through the product of a constant tinkering to dock or circumvent normatively. Saying homosexuality is therefore bringing it into live. The same way as naming or denouncing something is to simply giving it a reality. We can only denounce what is real, we can only said what we want to rationalize.

La sublime douleur de la libération

Par Valérie Bah, La photo est extraite du film “Jesus et le Géant” d’Akin Otomoso. Traduction en français par Abdou Bakah Nana Aichatou

Frères et Amis,
(…) Je veux que la liberté et l’égalité règnent à Saint-Domingue. Je travaille pour que cela se réalise. Unissez-vous à nous, frères, et combattez avec nous pour la même cause. 

Votre très humble et très obéissant serviteur, Toussaint Louverture. Général des armées du roi pour le bien public.

Du sang dans les rues

La cordialité dans la lettre de ce révolutionnaire haïtien me donne des frissons. Elle contredit un fait saillant: le récit de l’Indépendance d’Haïti est chargé de violence. Des descentes nocturnes. Des esclavagistes décapités. Mais l’effusion de sang n’était pas injustifiée ou n’était pas un phénomène isolé. Dans les années 1700, la cruauté de l’esclavage sur l’île de Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti) a engendré des avortements et des infanticides par des mères qui refusaient de mettre au monde des enfants en enfer. Pourtant, les révoltes d’esclaves tiennent leur brutalité de la Révolution Française qui a aussi inspiré la Révolution Américaine, et a été reproduite dans d’autres parties du monde par une masse critique de citoyens instruits et assoiffés qui n’avait rien à perdre. Souvent, l’effusion de sang se substitue à la révolution.

Iconographie cathartique violente

Dans le domaine de l’audio-visuel, je me rappelle du personnage féminin dans le film Jésus et le Géant (2008) d’Akin Omotoso qui matraque un agresseur masculin en représailles pour son amie battue. De manière plus gratuite, la rappeuse Sid the Kid dans sa vidéo pour “Fastlane” accélère sur une autoroute en abattant des hommes en compagnie de son amoureuse. Ces deux exemples émergent d’un instinct de protection homoérotique. Ces images sont-elles simplement destinées à choquer? En tout cas, elles rejoignent une longue lignée de fantasmes de vengeance, élevés, du même niveau que le film Django Unchained de Quentin Tarantino, parce qu’ils ne réécrivent pas l’histoire capricieusement ou n’incitent pas le public à rire.

Affronter ou fuir

Le romancier Marlon James a imaginé Lilith[1] dans Le Livre des Femmes de Nuit; une esclave de maison, aux yeux verts, décrite comme une force de la nature qui fonctionne à la peur et l’instinct. La vie de Lilith est définie par la violence, le travail éreintant, le viol, mais elle reste féroce. Elle frappe lorsqu’elle est acculée. Ironiquement, une histoire d’amour avec un maître tendre subvertit sa force naturelle. Compte tenu de l’oppression implicite dans leur relation, c’est un amour confus. Finalement, leur amour est tellement confus qu’il sape son plan pour encourager une révolte d’esclaves. Leur affection est un anathème pour une libération qui doit se faire dans la douleur.

Richard Wright explore cette liberté douloureusement acquise dans Native Son à travers Bigger Thomas, un garçon noir qui travaille pour une famille blanche. La matriarche de la famille l’a presque surpris dans la chambre de sa fille-une proximité qui équivaut à un viol dans l’Amérique qui assassina Emmett Till. Alors qu’il essayait de faire taire la fille avec un oreiller, Bigger la suffoque et la tue accidentellement. Cet accident irréparable va pousser Bigger à fuir les autorités, la suprématie blanche. Mais temporairement il va être libre. Nous avons ici le portrait d’un homme que son environnement ne laissera pas vivre, à moins qu’il ne se défende ou attaque par anticipation. Oui, c’est centré sur la rage. Mais qui produisait un tel vaisseau pour la destruction? En présentant le roman, Wright reconnait une motivation troublante. Se référant à son premier roman, qui avait séduit, «Les enfants de l’oncle Tom,” il dit,

«Je trouve que j’ai écrit un livre que même les filles de banquiers pourraient lire, elles pourraient en pleurer et se sentir bien. Je me suis juré que si jamais j’écrivais un autre livre, personne ne pleurerait en le lisant; ce serait si dur et profond qu’ils auraient à y faire face sans la consolation des larmes. C’est cela qui m’a fait me mettre au travail avec le plus grand sérieux».

Calmez-vous

On nous dit que la colère est une émotion stérile. Katherine Ann Porter, la collègue contemporaine blanche de Wright exprima son horreur face à lui et ses pairs, « je ne peux pas les lire. Je suis si fatiguée de toute cette haine et ce poison. Ils ont tous eu des vies horribles -des expériences si horribles que ça leur a laissé des esprits monstrueux. James Baldwin, je pense qu’il était fou[2]».

Qu’est-ce qui dérangeait exactement Porter dont la carrière traversa le mouvement des droits civiques aux États-Unis; l’art est-il exclusivement destiné à embellir, à dorloter?

Je me demande s’il y a une sorte d’amour masochiste dans la violence et si cette violence est la première étincelle de la conscience sociale. Si oui, c’est du genre qui vous arrache à l’existence indolente vers le réveil de la conscience. Comme l’a dit Audre Lorde, «Le processus d’apprentissage est quelque chose que vous pouvez provoquer, provoquer comme une émeute.” Oui, ça fait mal. Mais c’est aussi tellement bon pour vous.

Est-ce que la fille du banquier pleure pour vous? Nous nous avançons par la beauté pas par la saccharine. L’amour plutôt que la sentimentalité inspire la transformation. De temps en temps la passion forge un chemin vers la révolution.

[1] «Lilith» est une référence bienvenue au personnage biblique qui contrariait les hommes pour sa liberté de faire les choses à sa manière. [2] Givner, Joan. Katherine Ann Porter: Conversations. University Press of Mississipi.1987