Ames Jumelles

Par Lynn Aurélie Attemene
Illustration par Creative Powerr
Credits: Creative Powerr

« Plus je l’entendais et lui parlais, plus je me sentais proche d’elle, connectée à elle. »

Je l’avais rencontré plusieurs fois. Nos échanges étaient brefs et sans intérêt. Elle était une personne comme toute autre, que j’aurais pu rencontrer n’importe où et à laquelle je n’aurais sûrement jamais prêter attention. 

Un « bonjour » avait toujours suffit.

Un beau matin de pluie et de doux vent, je me sentais d’humeur à m’ouvrir au monde, lire des articles, regarder des tutos, et rire de vidéos drôles. Le temps était parfait pour paresser et rêver. Je venais de planter mon décor: une tasse de thé en main, je m’installais sur une chaise. De mon balcon, je riais et essayais d’immortaliser les scènes sociales qui se dressaient devant moi. 

Facebook, YouTube, Twitter, Instagram, Tiktok. Et c’est là que je tombais sur les jumelles. J’étais captivée par leur ressemblance et leur synchronicité. À cet instant, sans vraiment savoir pourquoi, je fis le vœu d’avoir une jumelle, une sœur, ou en tout cas une grande sœur avec qui j’aurai les mêmes délires. C’était un vœu silencieux, un vœu qui sortait de nulle part. J’avais déjà une famille et j’adorais mes frères et mes sœurs. Je les aimais et ceci était incontestable. Mais à ce moment précis, je me demandais si nous étions connectéEs les unEs aux autres; si ce sang que nous partagions suffisait à créer une synchronicité aussi parfaite que celle de la vidéo que je venais de visionner. 

Que faut-il alors pour arriver à une telle connexion?

J’en avais besoin. Pouvoir m’identifier à quelqu’unE, me voir en cette personne, retrouver des traces de mon histoire, de mes expériences, partager les mêmes croyances. Je voulais bien plus qu’une jumelle. J’avais besoin d’une âme pareille à la mienne.

Ceci me fit réfléchir et je me rendis compte que je n’arrivais pas à m’identifier à ces personnes que j’appelais ma famille depuis ma naissance. Bien que nous partagions le même sang, le même père, la même mère, nous étions si différentEs. Rien ne me reliait à ces personnes. Ce constat fit place à de nombreuses interrogations. Sortir du même ventre n’était pas suffisant. Je restais convaincue que notre première mission une fois sur terre était de trouver notre vraie famille, celle qui partagerait nos valeurs, nos principes et nos aspirations.

À mon réveil quelques heures plus tard, il pleuvait toujours. Eh oui, ces questionnements m’avaient plongé dans un sommeil profond. Je savais bien que cette pluie n’avait pas l’intention de prendre congé de nous, habitantEs vulnérables de la terre. Nous ne pouvions d’ailleurs rien contre sa force, mis à part patienter et profiter du son qu’elle émettait en tombant sur nos toits et en pénétrant nos terres.

Soudainement, comme si l’on lisait dans mes pensées, je reçus un message. Elle m’avait contacté sur Messenger. Elle voulait m’associer à un projet.

         – « Eh mais je te connais ! Je te vois souvent. » avais-je répondu.
         – « On se suit aussi sur les réseaux. Tu laisses souvent des likes sur mes écrits. Tu ne dis jamais rien. »
         – « Rien à dire. »
         – « C’est dommage ! Alors le projet ? » 
– « Le projet quoi ? Il s’agit de quelle affaire ? »
         – « Je souhaite mettre en place un club de lecture de femmes lesbiennes et j’ai pensé qu’on pourrait travailler ensemble »
         – « Je suis flattée, mais non merci. »

Elle m’avait appelé immédiatement après ce dernier message et sans savoir pourquoi, j’avais décroché. Ce fut la conversation la plus belle et la plus sincère de ma vie. À aucun moment, je n’eus peur de l’inconnu. L’univers m’avait guidé vers cette inconnue. Et dès lors, il n’y eut plus de simples « Bonjour ». Nos conversations étaient longues et intéressantes. Nous nous intéressions l’une à l’autre.

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« Plus on discute, plus je me sens connectée à toi. »

Ce projet est devenu notre projet. Tu m’as ouvert ton monde et j’y ai trouvé des personnes comme nous, comme toi et moi. Des personnes toutes aussi vulnérables que nous. L’univers nous avait choisi pour être des âmes jumelles. Nous étions des âmes jumelles. 

J’ai cherché une sœur à qui m’ouvrir, à qui parler de moi; ce moi que ma « famille », celle qui m’a vu naître, ignore.

J’ai cherché une sœur avec qui je pourrais pleurer et mettre un nom sur ces larmes; ces larmes que ma « famille », celle qui m’a vu naître, ne verra jamais.

J’ai cherché une sœur avec qui je pourrais partager mes expériences; ces expériences que ma « famille », celle qui m’a vu naître, ne connaîtra jamais.

J’ai cherché une sœur avec qui mener les mêmes combats; ces combats que ma « famille », celle qui m’a vu naître, ne soutiendra jamais.

Aujourd’hui, je crie, je ris et je pleure avec toi.

Aujourd’hui, avec toi, je réalise des rêves, nos rêves.

J’arrive à voir et à ressentir tes peurs et toi les miennes. Et de cette peur partagée, nous trouvons réconfort.

Savoir que les choses qui me répugnent, te répugnent aussi m’apaise.

Avec toi je suis joyeusement lesbienne et imparfaite. Nos histoires sont similaires et cela nous sécurise.

C’est ensemble que nous partageons nos moments de faiblesses. Puis les lendemains, nous nous réveillons plus fortes et plus motivées.

Gesus, un ami camerounais, m’a dit un jour: « La famille n’est pas que de sang mais aussi de liens, d’expériences, de ressemblances, de connaissances, de patience, de tolérance et de beaucoup d’amour. »

J’ai trouvé une famille en toi et tu m’as conduit à la découverte d’autres personnes qui, aujourd’hui, sont devenues ma famille. D’une famille qui s’écoute et se comprend, nous en avons toutes et tous besoin.

J’ai fait un vœu inconsciemment et il est devenu réalité. J’avais un besoin, et cette pluie qui avait duré toute une journée, y avait répondu. Cette averse était arrivée pleine de magie et de positivité. Et je l’avais senti. Je m’étais connectée à elle et à son tour, elle nous avait connecté l’unE à l’autre.

« Voudrais-tu que je sois ta grande sœur » 

« Je suis ta petite sœur, celle qui t’aime, qui t’aimera et qui appréciera chacunE de tes défauts et de tes imperfections. Notre famille est peut-être sortie de l’inconnu mais elle deviendra la plus belle et la plus vraie des familles. Bien plus que le sang, la résilience nous liera. »