Renoncer à L’amour

De Afifa Aza. Photos de SO((U))L HQ

L’amour ne se donne, qu’à lui-même et ne prend que de lui-même.
L’amour n’est pas une possession et ne saurait être possédé;
Car l’amour suffit à l’amour ….
Lorsque vous aimez, votre discours ne devrait pas être, “Dieu est dans mon cœur», mais plutôt: «Je suis dans le cœur de Dieu.”
Et ne pensez surtout pas que vous pourrez dompter l’amour, car l’amour, s’il vous en trouve digne, vous guidera.
L’amour n’a d’autre désir que de s’accomplir.
Mais si vous aimez, et la plupart des besoins c’est avoir des désirs, laissez ceux-ci être vos désirs … 
-Khalil Gibran

L’un des moments les plus douloureux de ma vie a été ma rupture avec ma partenaire du lycée. C’était misérable. J’ai perdu du poids. Il n’y a rien que j’aurais pu faire pour les maintenir. J’ai vécu une période d’expériences désabusées. Mon désir était de raviver une sorte d’amour partout où je trouvais une attraction. Pour la plupart, cela se terminait mal. J’ai eu pas mal de ce type de rencontres sexuelles, probablement les plus aventureuses de mes 20 premières années. Ces souvenirs me font penser à mes parents. Leur histoire d’amour m’ intrigue.

Mes parents ont été mari et femme vivant sous le même toit avant ma naissance. Je suis assez mauvaise avec les détails que je ne pourrais pas vous dire combien d’années de mariage cela fait.

Mon père est un homme ordinaire qui apprécie la simplicité. Il embauchait à 7h00 et était de retour à la maison à 17h00. Du lundi au vendredi. Les samedis, nous allions à l’église et les dimanches, il dormait, lisait le Gleaner et mangeait et appréciait son repas du dimanche soir. C’est ce dont je me souviens le plus de mon père, qu’il était toujours de retour à la maison. Qu’il ouvrait la porte en disant, “Bonsoir” et si maman était à la table elle répondait “Bonsoir”. Nous étions également censés retourner le “Bonsoir”. Ma grand-mère répondait avec un grand “Soir Missa Harris”. Peu après il se débarrassait de sa tenue de travail et allait au sous-sol repasser celle du lendemain. Cette routine était suivie par une douche, juste à temps pour le journal de 19:00. Il était si prévisible ; cela me donnait un sentiment de sécurité. Je savais qu’il serait toujours nous protéger parce qu’il était toujours là. Il nous a aiméEs d’une manière systématique, mais sans intérêt. Mon père est un homme étrange. Il n’est pas romantique (au moins pas à ma connaissance) et à le voir avec ma mère, ensemble, je me demandais comment elle pouvait continuer de l’aimer ou pourquoi elle restait avec lui. Je me dis qu’elle doit vraiment l’aimer.

Je me souviens une fois avoir dit à ma sœur, que la raison pour laquelle j’étais amoureuse de mon deuxième partenaire était parce que eux me rappelaient papa. Je respectais sa façon d’aimer.

J’ai eu plusieurs expériences amoureuses intenses. À travers toutes ces expériences, je pense que ce que j’ai toujours craint le plus, était de m’entendre dire un jour par mon partenaire du moment, “Ça ne marche pas”. Alors, j’ai toujours fait de mon mieux d’être une bonne partenaire, en espérant que cela en voudra toujours la peine d’être avec moi, que cela marchera toujours.

Récemment, je me suis rendue compte que les gens n’étaient pas les seules sources d’amour. Il y a environ trois ans de cela, j’avais commencé à poursuivre un de mes rêves que j’ai appelé le SO((U))L HQ. Cela a commencé avec deux idées. Une, était que “le produit est l’endroit” et, , un désir profond de recréer le sentiment d’un lieu en Jamaïque qui est aussi stimulant, sympa et amical que les espaces de création artistique que j’avais visité à Londres plusieurs années auparavant.

J’ai imaginé le SO((U))L QG comme un espace que je voulais “être” en vogue, et où je voulais que les gens “soient” avec moi. C’est Géorgia qui a donné l’origine du nom «sons de la vie» (Mon concept initial de dj’ing), que par la suite j’ai décidé d’appeler SO((U))L. Le QG était où Géorgia et moi avons travaillé ensemble sur l’idée de construction pour et avec notre communauté. Le QG était l’endroit où j’ai ressentis de la passion, un objectif, l’honnêteté mais aussi la fatigue. J’étais amoureuse de cet endroit – en fait de la chose, de l’idée et le travail. J’ai aimé cet endroit avec tout l’amour que j’avais, et je l’ai ouvert à d’autres avec amour.

Ce n’était qu’il y a deux mois lorsque Géorgia et moi avions des difficultés pour payer le loyer du siège et quand je me préparais à avoir une conversation tant redoutée avec le bailleur des lieux, sachant le risque que nous courrions de perdre l’espace que j’ai réalisé à quel point je l’aimais. L’idée de perdre le QG, la douleur qui a suivi cette réalisation, à la fois dans ma tête que la mon cœur, m’a fait réaliser que j’étais profondément amoureuse du QG.

C’est cette réalisation qui m’a forcée hors du lit pour créer une campagne de collecte de fonds virtuelle pour garder QG et notre autre espace (Di Institute for Social Leadership-ISL) ouverts. J’ai alors réalisé que mon amour pour ces espaces signifiait que je ferais tout pour qu’ils restent ouverts et fonctionnent. Je considère ces espaces comme l’œuvre de ma vie et je me rends compte maintenant que vous devez aimer votre travail. Non seulement “aimer son travail”, mais plus profondément que ça. “Aimez ce en quoi vous croyez. ” Est-ce-que Audre Lorde était amoureuse de son œuvre? Qu’en était-il de Walter Rodney ? Ou de Marcus Garvey?

Je me retourne souvent vers eux pour m’aider à recoller les morceaux, à comprendre ce monde actuel. Il y a peut-être deux questions que je me retrouve toujours à vouloir leur poser: «Pourquoi?» Et «Que s’est-il passé?» Je voudrais leur demander s’ils avaient pensé à renoncer à l’amour. Ont-ils jamais cessé d’aimer leur travail?

Je crois que ‘aimer’ c’est de ne jamais renoncer à l’amour … Ne jamais abandonner les gens, ne jamais abandonner toutes les choses qui rendent la vie belle, même si les temps changent.

Au moment où j’écris ceci, je suis sur le point de perdre quelque chose que j’aime. J’ai déjà perdu beaucoup de choses que j’ai aimées. Je ne trouve plus la bague que j’ai achetée à l’artiste zimbabwéen au marché de Camden à Londres. Ce que je suis sur le point de perdre, mon espace, est quelque chose qui m’ai chère. La semaine dernière, j’ai demandé à mes amiEs sur Facebook s’ils/elles savaient combien de fois Marcus Garvey avait pleuré? Je suis sur le point de perdre quel

J’ai 33 ans. Lorsque vous avez 33 et que vous croyez en Audre Lorde, Walter Rodney et Marcus Garvey (et leur amour), et que vous avez assez d’éducation pour comprendre ”la mondialisation’’, ” la théorie de dépendance, ” Comment l’Europe a sous-développé l’Afrique, ”, ”la théorie du système mondiale”; que vous questionnez souvent le passé, les personnes qui avaient une certaine conviction du monde et voulaient vraiment le rendre différent – ont vécu. De nos jours, je me trouve souvent perplexe face à leur absence.